Conteur au coin du feu la meme dans son grenier ou fut trourne une des meilleure interview de son copain Brassens à la fin des années 60 photo famille Chabrol
Journée d’hommage à l’occasion de l’inauguration de la rue Jean-Pierre Chabrol à Courcelles la Roue, hameau se Saint-Cyr sur Morin
Si Pierre Mac Orlan est présent dans l’imaginaire des Saint-cyriens, Jean-Pierre Chabrol, l’autre écrivain célèbre de notre village, l’est moins. Certes, il n’a pas, comme l’auteur de « La bandera » et du « Quai des brumes », passé l’essentiel de sa vie dans la vallée du Petit Morin, mais seulement une petite quinzaine d’années. Et il faut bien avouer que le pays qui a occupé toutes ses pensées et inspiré son œuvre, c’est sa terre natale, les Cévennes.
Il n’empêche : l’hommage qui lui a été rendu le samedi 20 octobre 2007 par Saint-Cyr est largement justifié car notre village a joué un rôle important dans la vie de Jean-Pierre Chabrol.
Ceux qui, en présence de l’une des filles de l’auteur (décédé en 2001), ont suivi ce jour-là les manifestations proposées, l’ont appris avec grand intérêt. Après l’inauguration, à Courcelles-la-Roue, de la plaque rebaptisant la rue du Marais en rue J.-P. Chabrol, ils ont été invités à visiter, à deux pas de là, la maison que l’écrivain a habitée entre 1957 et 1971 avec sa première femme, Noëlle, et leurs quatre enfants. Occasion unique de découvrir le grenier transformé en bureau où, barbe noire en bataille et pipe entre les dents, Chabrol a écrit quinze de ses plus fameux romans – dont « Les Fous de Dieu », la trilogie des Rebelles (« Les Rebelles, » La Gueuse », et « L’Embellie »), « Le Canon Fraternité » ou encore « La Chatte rouge »).
Cette visite sur le lieu même où Jean-Pierre Chabrol a vécu s’est poursuivie par une conférence très conviviale dans la grande salle de la Mairie, pleine à craquer : deux de ses amis avaient en effet accepté de venir témoigner, raconter « leur » Chabrol.
Bernard Rouquette l’a fait avec un plaisir évident, jouant volontiers de son accent cévenol (succès garanti sur l’assemblée, séduite d’emblée). Il faut dire que l’histoire de son amitié avec Chabrol valait la peine d’être contée. Le jeune Rouquette, 21 ans, venait d’être nommé instituteur à Chamigny. Loin de ses Cévennes natales, il se sentait bien seul et perdu en ce jour de rentrée scolaire... Et c’est alors que le « miracle » se produit : un plombier, appelé à l’école pour une répération en urgence, le voit et, frappé, lui explique que la veille, il est intervenu à Saint-Cyr chez un client qui lui ressemble et qui a le même accent que lui. « C’est sûrement votre cousin, » insiste-t-il. Malgré sa timidité, le jeune Rouquette, désireux de rencontrer cet hypothétique cousin, se retrouve peu après devant la maison de Chabrol. Qui accueille aimablement son jeune « pays » et s’empresse de faire partager son étonnement par son hôte, l’ami Georges (Brassens, bien sûr), si souvent là. Rouquette se souvient qu’à peine remis de ses émotions (il admirait le chanteur, alors au sommet de sa gloire), il a dû accepter le vin de l’amitié, un épouvantable tord-boyau que Chabrol faisait venir de chez lui…
En tout cas, de ce jour naît une amitié forte entre le jeune homme et l’écrivain, qui ne faiblira plus jamais. La rencontre est une aubaine pour le jeune provincial comme pour l’écrivain. Car Chabrol va s’inspirer de l’instituteur de Chamigny pour créer son personnage imaginaire, celui de l’instituteur Alain Doiren, héros des « Rebelles ». Comme l’a fort bien expliqué Bernard Rouquette, avec de nombreux exemples à l’appui, c’est une habitude chez Chabrol : il s’inspire et utilise des éléments de décor et des personnages qu’il côtoie quotidiennement, à Courcelles, pour les transposer dans les Cévennes, cadre de la plupart de ses romans. De plus, il arrive bien souvent à l’écrivain de « convoquer » son jeune ami pour lui lire les pages qu’il vient d’écrire…
Pour l’instituteur, la maison de Chabrol est évidemment un lieu magique où l’on parle de littérature, d’art, où l’on mange et où l’on croise des personnages célèbres : Brassens, bien sûr, (c’est d’ailleurs lui qui a avancé l’argent à Jean-Pierre pour acheter la maison), mais aussi René Fallet, Gilles Vignaud, Francis Lemarque, Michel Legrand. Et Pierre Mac Orlan, le voisin devenu ami, évidemment.
Cet après-midi-là, dans la salle de la Mairie de Saint-Cyr, on aurait encore bien écouté Bernard Rouquette raconter pendant des heures « son » Chabrol, … Pourtant, il a bien fallu l’arrêter. Car un autre témoin, René Roy, avait lui aussi quelques belles évocations à offrir à l’auditoire. Moins prolixe, l’homme nous a cependant révélé une tranche de la vie de l’écrivain tout à fait passionnante et cependant assez mal connue. De fait, en 1946, René Roy, alors rédacteur en chef de L’Avant-Garde (l’hebdomadaire des jeunesses communistes), a fait travailler Jean-Pierre Chabrol. Comme dessinateur ! Preuves à l’appui : le vieil homme était venu à Saint-Cyr avec ses journaux jaunis sous le bras, montrant des dessins d’une esthétique disons… très « réalisme socialiste ». Traces émouvantes d’une période où les espoirs nés de la Résistance étaient encore immenses. Ce destin de dessinateur a d’ailleurs perduré un certain temps puisqu’en 1949, Jean-Pierre Chabrol, introduit par René Roy, va commencer à dessiner pour l’Humanité. L’hommage à Chabrol s’est terminé autour d’un verre, comme il se doit. Et, pour beaucoup de Saint-cyriens, on l’a bien senti, avec une envie folle d’aller retrouver dans les livres de l’écrivain cévennol, cette chaleur, cette force si généreusement évoquées par Bernard Rouquette et René Roy.
Compte rendu par Pierre Poma
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