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Et si on parlait aménagement du territoire?


Photo : Léna Rebollo © 2021 -

Et si l’on parlait aménagement du territoire ?
 
Article du 8 février 2006.

A propos du PNR en général et de la Vallée du Petit Morin en particulier.

 

La Vallée du Petit Morin, plus encaissée, moins habitée que sa sœur du Grand Morin, plus sauvage que celle de la Marne, constitue avec elles un milieu sauvegardé. Les comparaisons vont bon train, de « la Petite Suisse Française » à « la Petite Normandie ». Même si nous sommes conscients d’une certaine partialité, il n’en reste pas moins que cette vallée constitue un milieu exceptionnel en tant que zone humide. En effet, de tout temps, elle a été peu propice à l’exploitation agricole si l’on excepte l’implantation de vignes sur ses coteaux exposés au sud.

 

Il s’agit d’un biotope de qualité où l’on trouve des espèces végétales et animales rares ou en voie de disparition, comme l’a attesté une étude scientifique menée par Stéphane ROSSI, à la demande du Conseil Général en 1999 (S. ROSSI : la vallée du Petit Morin – 77 – Espèces et milieux remarquables. Conseil Général de Seine-et-Marne, Direction de l’eau et de l’environnement, 45 quai Voltaire 77190 DAMMARIE LES LYS). 

 

Pour exemple, le crapaud sonneur à ventre jaune est l’une des rares espèces d’amphibiens classée prioritaire dans le plan d’action pour les Amphibiens du Ministère de l’Environnement. Il n’était connu que dans une seule station en Ile de France (Recloses, au sud de la Forêt de Fontainebleau). Stéphane ROSSI l’a découvert dans neuf sites de la Vallée du Petit Morin. 

 

On peut même dire que beaucoup de ses coteaux exposés au sud sont redevenus sauvages. Il y subsiste de nombreux vergers en désuétude qui remplacèrent la vigne disparue au début du 20ème siècle pour cause de phylloxéra, entre autres.

Les villages, organisés chacun autour du clocher d’une église à l’architecture singulière, ainsi qu’à proximité du sympathique et parfois bouillonnant Petit Morin alimenté par de nombreux rus se succèdent sans monotonie. 

 

Monde bucolique, si bien décrit et vulgarisé par le photographe François THION, mais toutefois en pleine désindustrialisation et ce, plus particulièrement, depuis trois décennies. Mais peut-on appeler industries les cidreries, fromageries, scieries, verreries d’importance diverse ? Ces entreprises, qui employaient une main-d’œuvre locale peu qualifiée, mais dure à la tâche, ont peu à peu cessé leurs activités. Ce phénomène a favorisé un exode vers la capitale toute proche, exode quotidien partagé aujourd’hui par les nouveaux habitants, travaillant de fait sur Paris.

 

Les chevaux, souvent aidés de quelques ânes, mangent de plus en plus l’herbe qui, hier, était broutée par les vaches.

 

Les gîtes ou tables d’hôtes, les anciennes demeures accueillant mariages, groupes et séminaires qui sont les pionniers d’un nouveau tourisme, s’associent  aux restaurants et hôtels, toujours bien remplis, tant hier qu’aujourd’hui. Ce succès, cette fréquentation font rêver et pâlir d’envie d’autres régions plus attractives car plus lointaines, plus exotiques, plus ensoleillées, mais dont l’intérêt reste toutefois saisonnier, alors qu’ici la proximité de la région parisienne fournit, été comme hiver, un fort potentiel de visiteurs. Certains de ces pionniers du tourisme briard aimeraient d’ailleurs proposer à leur clientèle, de plus en plus étrangère, des sorties de découverte patrimoniale dont l’organisation et la communication restent pour le moment confidentielles, peu élaborées et structurées, voire quasiment inexistantes. 

 

Sans rentrer dans une guerre fratricide qui opposerait le Nord et le Sud, on peut attribuer le faible développement touristique de la partie Nord-Est du département à une politique de communication  favorisant davantage le développement du fort potentiel touristique du sud  (Fontainebleau, son château et sa forêt, Vaux-le-Vicomte et autre Blandy-les-Tours) 

 

Dans le même esprit, si l’on regarde les Espaces Naturels Sensibles (ENS), un seul existe dans la moitié nord de la Seine-et-Marne (le Bois de la Barre à la Ferté-sous-Jouarre), contre six dans la moitié sud.

 

L’accès à la propriété devenant de plus en plus difficile pour des raisons économiques dans les banlieues Sud, Ouest, et Nord de l’Ile de France, c’est l’Est et, en l’occurrence la Seine-et-Marne, qui est l’objet du choix d’implantation des classes modestes. L’ensemble de ces facteurs a favorisé une poussée démographique importante surtout depuis deux décennies. 

Les motivations sont souvent le calme et la qualité de l’environnement, parfois, il s’agit de se mettre à distance des risques d’insécurité de la proche banlieue. 

Le Président du Conseil Général précédent a permis aux communes qui le souhaitaient, grâce aux Contrats Ruraux, de financer en grande partie des équipements, de les adapter à la demande de services d’une nouvelle population habituée aux prestations socio-culturelles et au « confort » des grandes villes, autrement dit de rendre vivable et acceptable la ruralité. Ainsi assiste-t-on à l’émergence d’une espèce du deuxième type : les rurbains.

 

L’intercommunalité, peu fréquente et peu encouragée dans notre département, reste à développer dans la mesure où elle favorise l’implantation d’infrastructures plus importantes et qu’elle permet d’entreprendre et d’investir sur le moyen terme, ce qui est difficile pour une commune seule. 

Il s’avère indispensable pour que l’aménagement du territoire associe développement raisonné de l’urbanisme et économie pourvoyeuse d’emplois, de procéder à un  regroupement administratif plus important. 

Le Parc Naturel Régional pourrait donc être un espace favorisant l’augmentation  d’une activité liée au tourisme. 

Plus modestement, il peut s’agir, dans un premier temps, de maintenir un cadre de vie dans les villages et petites villes qui voient les centres de leurs bourgs progressivement désertés.

Un Parc Naturel regroupant Petit Morin, Grand Morin et Marne constituerait ainsi une véritable entité, un poumon vert qui pourrait être une réponse au nécessaire développement actuel. 

La faune, la flore, en un mot l’environnement naturel, parfois sauvage, les espaces de plaines, de vallées, l’authenticité préservée de la campagne, l’architecture, sont autant d’atouts pour séduire et attirer le citadin et le touriste étranger.

 

Donner un cadre juridique et géographique permet de mieux fédérer les énergies, d’accompagner les initiatives, d’être une référence pour les entrepreneurs. En cela le Parc Disney est un exemple : en effet, il a su mobiliser les Pouvoirs Publics du Département et de la Région et créer une dynamique avec des effets économiques induits et des retombées à moyen terme.

Même s’il est vrai que pour intéresser la puissance publique et son investissement financier il est plus facile de convaincre avec un « produit » existant (ici, un parc d’attractions centré sur Mickey) que d’élaborer un concept (là, la création d’une zone verte aménagée). 

Les petites communes, ayant la même représentation dans un PNR que les grandes, peuvent faire entendre leurs besoins d’une voix plus forte lorsqu’elles sont regroupées.

 

Le PNR permet de préserver l’équilibre entre les espaces agricoles et forestiers, de respecter l’identité des villages en régulant la pression de la construction.  

En effet, les PNR sont, en général, impliqués dans la protection du patrimoine, l’éducation à l’environnement, l’aménagement du territoire comprenant un développement économique raisonné et un accueil des populations urbaines.

Les associations de protection de la nature, de qualité de l’environnement, de sauvegarde du patrimoine, de randonnées (en particulier le CODERANDO qui, à lui seul fédère 52 associations de randonnée en Seine et Marne), de chasse, de pêche, de naturalistes et de tourisme, les Syndicats d’initiative, sont actifs et nombreux dans notre régions.

 

Ils sont autant d’interlocuteurs qui pourraient être consultés dans l’élaboration de ce P.N.R. 

On pourra y associer le CAUE et le Musée des Pays de Seine-et-Marne. Mais il est évident que toutes ces entités sont concernées par ce PNR qui pourrait, entre autres, réaliser un réseau de milieux naturels à découvrir. 

Depuis plus de trois ans, le PNR fait couler beaucoup d’encre et dialoguer de nombreux acteurs, signe de son intérêt.  Son périmètre évolue, ses frontières se précisent. Le fait qu’il couvre plusieurs départements (Seine-et-Marne, Marne et Aisne) et même plusieurs régions administratives (Ile de France, Champagne-Ardennes et Picardie) peut interroger certains d’entre nous. Il n’est pourtant pas le seul (le PNR Oise-Pays de France est à cheval sur l’Ile-de-France et la Picardie).

Si le réseau Natura 2000, qui devrait protéger neuf communes de la Vallée du Petit Morin, peut contribuer à réaliser la convention sur la diversité biologique adoptée au « Sommet de la Terre » de Rio de Janeiro en Juin 1992, les PNR ne peuvent que lui être complémentaires. 

Face aux grands espaces « jardinés » de notre région, comme, par exemple Disney ou le Parc de Rentilly, le PNR de la Brie et des deux Morins, pouvant regrouper jusqu’à plus de 250 communes, est un atout pour notre environnement et pour la pérennité de notre patrimoine naturel.

 

          Marie-France GUIGNARD et Pierre POMA - Association TERROIRS, terroirs77@free.fr